Enclos paroissial du 16ème siècle (1554)

Extrait de l'étude archéologique, historique et ethnographique
sur Plougonven réalisée par Louis Le Guennec
(1922 "Mouez ar vro" 33 place Thiers - Montroulez.
Réédition : "les Amis de Louis Le Guennec", Hotel de ville Quimper)
Les origines de la paroisse doivent remonter comme celle de tous les plou voisins,
à la grande migration bretonne de 514 à 525, composée de Dumnoni insulaires qui,
chassé s de leurs patrie par les invasions anglo-normandes, passèrent la Manche
et vinrent s'établir en Armorique.

Plougonven a pour patron primitif un thaumaturge inconnu, Saint Gonven, qui fonda
probablement l' église et donna son nom au plou (Plebs Conveni).

L' Eglise

Achevé en 1523 sur une terrasse qui domine l' agglomération, l'église de Plougonven
se place au premier rang des oeuvres architecturales de notre région. Cet édifice a
été classé monument historique le 19 décembre 1913. Détruit par un incendie
le 1er mai 1930, l'église a été complètement reconstruite dans les années qui suivirent.

C'est une construction en bel appareil de granit. Son plan dessine une croix latine,
avec nef et bas-côtés flanqués de huit chapelles, où les seigneurs de la paroisse
avaient leurs bancs et leurs sépultures. Ces chapelles découpent au-dehors une
double série de pignons garnis de fleurons et de crochets, et ajourés de fenêtres
à soufflets flamboyants. Aux angles des rampants sont des lions ou des dragons
artistement galbés. Sur la façade sud fait saillie un porche carré percé d' une large
arcade, à moulures prismatiques et archivolte décorée de crossettes végétales.
Le porche du bas, voûté en croisée d'ogive et daté de 1841, est surmonté d' un joli
clocher accosté d' une tourelle ronde. De la plate-forme, bordée d' une balustrade
flamboyante, se dégage un léger beffroi que termine une flèche pyramidale aux arêtes
hérissées de crochets, et appuyée par des arcs-boutants sur les pinacles de la galerie.

En pénétrant dans l' église par le porche de la tour, on remarque à la clef de celui-ci
un écusson écartelé aux 1 et 4 d' une aigle éployée, qui est Kerloaguen ; aux 2 et 3
d'un lion accompagné de 7 billettes, qui est Gaspern.

Les nervures de la voûte s' amortissent sur quatre statuettes d' anges tenant des
cartouches où on lit en caractères gothiques:

Xps (Christus) vincit - Xps regnat - Xps imperat - Xps nos benedicat.


Au fond du porche, au-dessus de la porte, un autre angelot supporte un écusson
chargé des armoiries de Garspern.

Au portail latéral, la clef de voûte est timbrée du blason de Pierre de Gaspern,
sieur du Cosquer, panetier de la reine Claude de France en 1518, qu' entoure
la devise gothique de cette famille :

 
En bon espoir


La nef, à voûte de bois apparente et poutres terminées en têtes de dragons, est
partagée en six travées par deux rangées de piliers octogonaux sans socles
ni chapiteaux, soutenant des arcades en tiers-point, d'un tracé très pur, à moulures
prismatiques pénétrant dans le corps des colonnes.

Le calvaire

Au milieu de l'ancien cimetière se dresse l' un des six grands calvaires du département.
Daté de 1554, c' est le second dans l'ordre chronologique, après celui de N.-D. de Tronôen,
en Saint-Jean-Trolimon, près de Pont-l' Abbé ; il est antérieur de 27 ans à celui
de Guimiliau (1581), et de 48 ans à celui de Plougastel-Daoulas (1602).

Le massif octogonal de ce calvaire a 4 mètres de hauteur, et chacune des faces
mesure l m 70; les angles sont garnis de colonnettes rondes; sur le pourtour règne
un double rang de corniches servant de support à des groupes de statuettes en
kersanton figurant les principales scènes de la vie et de la mort du Sauveur.

Renversé sous la terreur, ce monument fut réédifié en 1810 ou 1814.. Il a fait l' objet
d' une restauration en 1898 par le sculpteur Yan Larhantec (né à Plougonven
le 30 septembre 1829).

Au-dessus du pan Nord est la statue de Saint-Yves, patron de la paroisse, vêtu
d' une robe, d' un surcot et d' un camail à capuce, coiffé d' une barrette et tenant
un parchemin. Sur le socle carré se lit gravée cette inscription gothique:

Ceste croix fust fayte Ian M. Cv LIIII a lhonneur de Dieu et Notre-Dame de Pitié
et Monseigneur St.- Yves. Pries Dieu pour les trespassés.
Dans les plis des vêtements de quelques-unes, on remarquait à la fin du siècle dernier
des traces de peinture et de dorure, attestant qu' autrefois tout le monument était ainsi étoffé.

Par acte du 4 juillet 1897, Yan Larhantec, s' engagea à restaurer le calvaire de Plougonven,
y compris la confection de trois nouvelles croix, celle du Christ avec boules-noeuds
et celles des Larrons suivant les anciens modèles trouvés dans les fouilles du cimetière,
à réparer les chevaux et les cavaliers, à remettre en bon état toutes les statues et à les
replacer dans l' ordre du récit de l' Evangile.

Au premier étage, la figuration du grand drame religieux s' ouvre par les scènes
de l' Annonciation, de la Visitation, de la Nativité, de l' Adoration des Rois Mages, etc.,
et se poursuit sur la plate-forme supérieure jusqu' à la Résurrection.

"Tous les personnages, écrit Ch. Le Goffic (L' Ame Bretonne, 1902, t.1), moins Jésus
et la Vierge, sont empruntés à la vie réelle : leur costume est celui des paysans
et des bourgeois du XVIè siècle ; les gardes portent le heaume, la cuirasse et
les jambières ; Pilate, fourré d' hermines, le mortier en tête, n' est point différent
d' un bailli ou d' un présidial... Il faut s' arrêter devant la tête du Christ sculptée
sur le mouchoir de Véronique. Tout le drame du Calvaire revit dans ces yeux graves
et résignés, dans le dessin de cette bouche si pure, dans ce front large à contenir
un monde. Notons également un diable en froc de pèlerin, qui se retrousse
cyniquement pour montrer ses pieds fourchus, et dont l' expression, supérieurement
joviale et capricante, est obtenue au moyen d' un système de lignes concentriques
du plus curieux effet. On doit remarquer Marie-Madeleine en châtelaine Henri II,
avec sa robe aux plis lourds, ses manches à crevés et sa guimpe de dentelles ;
le pauvre Malchus gisant aux pieds de Jésus dans son armure, tandis que
Saint-Pierre remet placidement au fourreau l'épée dont il l'a frappé ; l'un des gardes
du sépulcre, armé par un amusant anachronisme, d'une arquebuse ; un gigantesque
Joseph d'Arimathie, reconnaissable, comme son condisciple Nicodème, à leur chapeau
pointu."

L' éminent auteur de l' Ame Bretonne estime que le calvaire de Plougonven est
celui qui répond le mieux à l'esthétique du genre; il lui trouve des proportions plus
heureuses et un sens de l'aménagement supérieur à ceux des monuments de
Guimiliau et de Plougastel.

Outre son imposant calvaire, l' église de Plougonven possède encore deux autres
annexes, un reliquaire et une chapelle de cimetière.

Le reliquaire ou ossuaire

Bâti au début du XVIè siècle, c'est une solide construction à pignons hérissés
de crossettes, gargouilles ou cornières d' angle sculptées en forme de lions,
façade trouée d' une série d' arcatures gothiques à redents trilobés
et d' une porte en accolade munie d' un bénitier. Jusqu' en 1884, il a conservé
sa funèbre destination; le 28 septembre de cette année, on transféra dans une
fosse commune creusée contre son pignon Sud tous les ossements entassés
entre ses murailles. "Nous avons compté 400 crânes, dont la plupart étaient
renfermés dans de petites boîtes sur lesquelles étaient inscrits le nom, l'âge
et la date de la mort de chacun."

Chapelle de Christ

Au Sud de l' église s' élève la chapelle de Christ. Elle existait dès 1432,
puisqu' un titre de cette année en fait déjà mention . Le procès-verbal
de 1679 la décrit sous le nom de "chapelle de Christ ou sainct Sauveur".
Sa grande vitre était composée de trois panneaux et d' un soufflet. Il y avait
deux bras de croix, et une grande fenêtre éclairait celui de droite.

"menacente de ruine" en 1745, elle fut rebâtie l' année suivante dans d'assez
vastes proportions, mais sans la moindre recherche architecturale.

Le pardon de cette chapelle avait lieu le dimanche de la Passion. Les trois
premiers lundis du mois de mai, les petits enfants de la paroisse y étaient
conduits et déposés sur l' autel afin de les fortifier.

Tombeau et originalité de l' abbé Le Teurnier

Un autre monument funèbre bien plus moderne, mais non moins curieux, est
le tombeau du fameux abbé Bernard-François Le Teurnier, né à Guervenan
en Plougonven en 1793, et décédé au même lieu, plus que nonagénaire, en 1883.

C' était l' un de ces types originaux, frappés d' une empreinte si accusée et si
personnelle. Il montra un grand talent de prédication pour les missions bretonnes,
et ne rencontra point de rival dans l' explication tour à tour humoristique et
horrifiante des taolennou imaginés par dom Michel Le Nobletz.

Le sculpteur Yan Larhantec l'a représenté debout sur sa tombe, dans une attitude
oratoire, et a ciselé, sur les panneaux de la petite chaire gothique où est placée
sa statue, les scènes les plus saisissantes des taolennou qu' il commentait si
éloquemment.